L'insigne de tradition du 15° BCA

A propos de l' insigne de tradition du 15è Bataillon de Chasseurs.

"Vers la fin de 1914 et dans les premiers mois de 1915, le commandement invitait les chefs de corps à faire peindre au pochoir sur les équipages une figure symbolisant leur unité.
Il s' agissait de mettre de l'ordre dans l' immense charroi que nécessitait l' entretien de 8 millions d' hommes mobilisés; l' insigne devait permettre, le long des routes et surtout aux abords des gares et des centres de ravitaillement, une identification rapide sans pour autant révéler trop visiblement l' ordre de bataille.

Le 15è Bataillon de Chasseurs, sous le commandement du Chef de Bataillon Dussauge, choisit pour marque la tête de l' Alsacienne coiffée du noeud noir timbré de la cocarde tricolore; non seulement le Bataillon se trouvait à ce moment en Alsace mais il avait été parmi les premiers à pénétrer par le col de Bussang au delà de "la ligne bleue des Vosges". Descendant en pointe d'avant-garde la vallée de la Thur, il avait libéré les villages de Kruth, Moosch, Wesserling et Saint-Amarin.

Ce qui est, par contre, peu connu c'est que ces têtes d' Alsaciennes reçurent des prénoms. Nombre d'intrigues s'étaient nouées entre les gracieuses filles au bonnet de soie et leurs libérateurs, et une tradition s' implantait de bonne heure, au Bataillon, de donner à l' Alsacienne de chaque Compagnie un nom tiré du folklore; finalement on choisit celui d' une femme ou d' une jeune fille mariée ou fiancée à un chasseur tué à l' ennemi; c' était une manière hautement respectable d' honorer à la fois l' Alsace et les héros qui se battaient pour elle.

A la 1ère Compagnie ce fut Colette, à la 2ème Suzanne, à la 3ème Anna, à la 4ème Valentine, à la 5ème Odette, et à la 6ème Mathilde. Les deux Compagnies de Mitrailleuses choisirent Cécile (1ère) et Catherine (2ème), enfin la S.H.R. Odile.

Mais ce qui surprend surtout dans l' insigne du 15ème c'est le cor qui ne se conforme pas à la silhouette en "vue oblique" adoptée par un grand nombre de bataillons."
" Ce n'est pas, en effet, une trompe de chasse mais une trompette de chasse à trois tours vraisemblablement originaire de la Haute-Autriche. De dimensions plus réduites que la trompe, elle est suspendue au cou par une cordelière.

Dès le début de la guerre cette forme particulière de cor qui ornait les sacoches des Capitaines et les fanions du Bataillon et des Compagnies avait intrigué: ce ne fut qu' en 1917 que l' on en eut ou cru avoir l' explication. Le 15è (46è Division) faisait alors partie du corps expéditionnaire dirigé d' urgence sur l' Italie après le désastre de Caporetto.
Le 20 décembre 1917 en visitant le champ de bataille de Solférino, les officiers tombèrent en arrêt devant un cadre contenant ce fameux insigne en cuivre et timbré du n° 15. Etait-ce celui que le Commandant Lion avait perdu au cours de la bagarre? Etait-ce une plaque de giberne? Quoiqu'il en soit ce souvenir semblait prouver que l' insigne particulier au 15è datait d' avant 1859.

Devant l' émotion manifestée par tous, l' honorable conservateur du musée, le signor Gaudenzio retira du mur le cadre et l' offrit amicalement au Bataillon.
En réalité, l' origine de l' insigne bien que remontant à Solférino était tout autre: c' est en 1896 que le Commandant Joppe avait adopté ce modèle. Son père était chef de Bataillon aux Grenadiers de la Garde et avait trouvé un insigne de cette sorte sur le cadavre d' un Autrichien du 15è Chasseurs Tyroliens. Dès sa prise de commandement son fils en avait fait exécuter la copie par le Sergent-Armurier du Corps selon deux modèles nickelés, l' un de dimensions 40x72 pour les sacoches d' officiers montés, l' autre de 45x55 pour la cartouchière en cuir vernis des officiers subalternes et Adjudants.Quelques officiers avaient orné de ce motif la garde de leur sabre.

L' insigne actuel date de 1927 et a ètè dessiné par un lieutenant du Bataillon pour remplacer celui de 1920 façonné un peu grossièrement par un artisan polonais de Kattowitz en Haute-Silésie."

Sources: Revue Historique de l' Armée - 1965 - n° 4. Extrait de: Deux insignes: une épopée, par Charles E.DRAGO


Par Jean RIOTTE.