Bonjour à tous
28 mai 1893 – INAUGURATION DU MONUMENT LOUIS ROSSAT, DIT MONUMENT DU ‘’ PETIT CHASSEUR ‘’****************
Extrait du discours prononcé par le
Docteur Vincent, conseiller général, témoin oculaire des combats du 11 octobre 1870.
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Après Sedan, les hordes allemandes, comme un flot qu’aucune digue ne contient plus se répandent sur la France et envahissent Paris où se sont enfermés à la hâte ce que nous possédions encore de soldats valides. La province séparée de Paris, n’a que quelques militaires, des conscrits de la classe 1870 et quelques bataillons de garde mobiles mal armés, mal vêtus, sans organisations. L’ennemi avait compris qu’Orléans pouvait devenir le centre d’une nouvelle résistance étant la clef du midi et de l’Ouest, aussi dirige-t-il sur notre ville une armée de 60.000 hommes et 140 pièces de canon.
Les quelques bataillons improvisés presque tous composés de soldats de la dernière classe et de garde mobile que nous possédions à Orléans s’avancèrent à la rencontre de l’ennemi jusqu'à Artenay. Ces soldats voyaient le feu pour la première fois, mais écrasés par le nombre et par une artillerie vingt fois supérieures furent obligées de se replier sur Orléans.
Malheureusement leur chef, n’était pas animé de la même fois patriotique que ses soldats ; il se défiait de leur jeunesse et ne croyait pas que des conscrits pouvaient supporter le choc des vielles troupes de l’Allemagne. Le 11 octobre au matin, il se décida à battre en retraite derrière la Loire et vers dix heures et demi, l’artillerie, l’infanterie, la cavalerie commencèrent à passer le fleuve. On laissa 6.000 hommes pour couvrir la retraite ou plutôt pour mourir.
Ils ne faillirent pas à leur tache, ces braves ; succombèrent sans profit pour la France avec une abnégation et un dévouement sublime.
Après leur victoire de Chevilly, le 10 octobre au soir, les Prussiens se divisèrent en deux corps pour marcher sur Orléans. L’un se dirigea sur la route de Paris et gagna Cercottes le soir même et recommencèrent la lutte le 11 octobre au matin.
Je ne dirai rien de la magnifique défense des Aydes et du faubourg Bannier, de la superbe conduite de la légion étrangère, des chasseurs à pied, de la mort du commandant Arago et des combats épiques qui eurent lieu de ce côté.
Témoin oculaire, je dirai seulement ce qui se passa sur la route de Châteaudun et dans les villages qui de chaque coté bordent cette route.
L’autre moitié de l’armée prussienne s’était dirigé sur Patay où elle couchait le 10 au soir. Elle en repartait le 11 à deux heures du matin et atteignait Bricy au jour ; en passant
les Prussiens enlevèrent tous les hommes valides de ce pays, dans le but de terroriser les populations.
Ils arrivèrent sans rencontrer de résistance jusqu’à Ormes à la hauteur de Gouchaux où on avait creusé une petite tranchée, la, se tenait le général Peytavin avec les débris de tous régiments et six pièces de canon. L’ennemi descendant de Bricy, avait pu apercevoir les soldats français dans cette plaine découverte. Ils les foudroya immédiate-ment de ses obus, et nos six pièces de canon en batterie sur la route de Châteaudun furent démon-tées aux premiers coups. Nous n’avions pas d’artillerie et nous avions en face de nous la moitié de l’armée allemande, soit environ 30.000 combattants et 70 pièces de canon.
à gauche, M. jules Lenormand. An centre Mlle Julie Rossat, Nièce du " petit Chasseur " Louis Rossat.
Nos soldats en nombre de 3.000 environ furent héroïques ; ils se battirent avec la plus grande bravoure, tinrent à Ormes les Prussiens en échec pendant plusieurs heures et ne reculèrent que pied à pied. Partout dans les vignes, dans les petits bois, nos braves troupiers luttèrent avec rage, et les morts nombreux trouvés dans toutes les campagnes attestent avec quel acharnement, un contre dix, nos soldats résistèrent.
Il est environ 3 heures de l’après midi, les Prussiens arrivèrent au bourg de Saint-Jean-de-la-Ruelle ; Ces braves vaincus par le nombre se retirèrent envoyant encore quelques coups de fusils et toujours face à l’ennemi. Ils avaient dépassé le pont de la ligne du chemin de fer de la ligne de Tours, Procession allant sur la stèle du Chasseur « Louis Rossat » Pompier en tête
et se repliait sur Orléans.
Le talus que forme en cet endroit la ligne fermait notre horizon, et pas plus que l’ennemi nous ne pouvions voir ce qui se passait du côté de la ville. Au bout d’une demi-heure environ ne voyant plus de français devant eux, les Prussiens de formaient en deux colonnes qui s’avançait pour aller déboucher, l’une celle de droite par le pont Saint-Jean, l’autre, celle de gauche par le pont des Chaises.
Ces deux colonnes marchaient avec assurance quand arrivés à environ 200 mètres du chemin de fer, un craquement sec et strident se fait entendre puis se renouvelle de minute en minutes. Ce sont des feux de peloton bien nourri qui surprenne
les Prussiens dans leur marche, et les fauchent ‘’ comme des épis murs ‘’ Les cadavres jonchent le sol, et l’on voit les vainqueurs fuir dans le plus affreux désordre et se mettre à l’abri derrière les murs des jardins et ceux du cimetière. Les officiers reçoivent les fuyards à coups de plat de sabre, reforment les bataillons à l’abri des murs (……)
et de nouveau les lancent contre le talus du chemin de fer si bien défendu par un bataillon de chasseurs à pied.
C’est un feu d’enfer ; les Prussiens s’avancent toujours plus nombreux, répondent à nos soldats par des décharges de mousqueteries épouvantables ; en même temps leur artillerie tonne d’une façon formidable, les obus pleuvent, ils passent au-dessus de nos têtes pour aller tomber sur nos malheureux soldats.
Quatre heures durant, ils tiennent les Prussiens en échec, ce n’est du reste que quand ils eurent brûlé leurs dernières cartouches et quand la nuit fut venue que, pris par derrière, ils songèrent à la retraite. Il était sept-heures du soir.
En ce moment, les Bavarois de Von der Tann qui viennent d’enlever le château des Bordes, se précipitent par la rue des Murlins et des Closiers, vers la ferme de la grange des Groues et vont prendre nos soldats à revers.
Pendant ce temps les Prussiens de Von Wittich qui n’ont pu avoir raison en face de cette poignée de brave qui les arrêtèrent depuis 3 heures et demi de l’après-midi, tournant à droite, pour passer le chemin de fer à la rue Basse-d’Ingré et eux aussi débouchèrent sur le derrière de notre ligne. Les chasseurs alors n’ayant plus de cartouches comprenant qu’ils vont être pris, battent en retraite sur Orléans où ils entrent pêle-mêle avec l ‘ennemi.
C’est à cette heure, à l’extrême gauche, au passage à niveau n° 90 de la ligne de Tours par où débouchent les Bavarois que se passa le drame héroïque dans lequel le « Petit chasseur » Louis Rossat a trouvé la mort.
Cet enfant, avait vingt ans, qui jusqu’au soir s’était battu comme un lion, se trouvant à 7 heures prés de la maisonnette en faisant toujours le coup de feu contre les Bavarois. La garde barrière voyant l’ennemi arriver de toutes parts le pria et le supplia de fuir. « Il me reste quelques cartouches répondit-il, il faut que je les brûles et que je tue encore quelques Prussiens ». Il se remit en joue, tira quelques coups de fusils et tomba à son tour criblée par les balles.
Honneur à toi « Petit chasseur » digne enfant de l’Alsace, tu voyais le feu pour la première fois et tu t’y es comporté en héros.
Michel Chantriaux